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Comment les gens, indépendamment de
leur vécu et de leur origine, en viennent-ils à sentir le même scintillement à
l’écoute d’une chanson, face à une image ou autre stimulation artistique ?
Pouvons-nous identifier des notions élémentaires et universelles afin
d’expliquer les émotions communes provoquées par les événements de la
vie ? Carl Gustav Jung avait raison de voir dans les archétypes des
représentations expérimentées non pas individuellement mais collectivement, et
héritées d’une terre profonde et large qu’il a nommée « inconscient
collectif ».
Sur cette théorie des constantes
universelles déclenchées par de multiples supports est basé le spectacle
« All Is One » de Taxiarchis Vassilakos et sa troupe. Le spectacle,
montré sous forme de work in progress
en Grèce l’été 2012, fut présenté à Paris en mai 2013 par un groupe franco-grec
réunissant des danseurs, des acteurs, mais aussi des musiciens, situant la
problématique des archétypes dans un contexte visuel original. Il a eu lieu à
l’espace Saint-Sauveur, une église désacralisée dont
l’architecture minimale contribua à la création d’un décor naturel et imposant.
Le spectacle consiste en l’adaptation
chorégraphique de différents morceaux de musique. Ainsi, un morceau de piano de
Rachmaninov du début du XXe siècle, combinant austérité et douceur, nous
transporta. Une danse grecque nous rappela, à travers l’usage du cercle, la
cohabitation harmonieuse entre les membres d’une société. L’image du couple
dansant une valse du XIXe siècle nous évoqua l’insouciance du premier amour.
Les danseurs mettaient en valeur les
différents aspects de chaque composition chorégraphique et représentaient les
images que chaque morceau musical leur inspirait. Des intermèdes narratifs
extraits de l’œuvre Ascèse de
l’écrivain Nikos Kazantzakis, et plus précisément de sa théorie sur la
« Race », entrecoupaient les danses. Selon l’écrivain crétois, chaque
individu contient les voix, les angoisses, les espoirs et les rêves de ses
ancêtres qui continuent à vivre à travers notre existence tout en influençant
notre perception du monde ainsi que nos actes. À la fin de chaque scène, la
récitation de l’Ascèse s’associait à
une danse montrant l’expérience personnelle de la lutte intérieure ayant lieu
lorsque nos instincts ancestraux surgissent pour s’imposer.
Nous assistons donc à la représentation
de scènes familières inspirées de musiques hétéroclites. Le pouvoir du
spectacle surgit de l’exposition du spectateur à des thèmes musicaux variés où
« Tout » provoque des émotions familières et partagées, car elles
peuvent se décoder à travers « Une » théorie, celle des archétypes.
Le pluralisme des scènes invite le spectateur à s’interroger sur le processus
commun qui conduit à la perception du beau, de l’harmonieux et du transcendant.
En plus, la narration de l’Ascèse
semble avoir un double rôle. Par moments, l’interrogation créée lors du récit
se situait à la limite entre image et stimulus.
Mais cette narration fonctionna à la fois de manière synthétique, puisque la
théorie sur la « Race » définit nos réactions comme l’expression
inconsciente des besoins, des désirs et des angoisses de nos ancêtres qui nous
sont parvenus au fil des générations.
Le spectacle
réussit à présenter de façon harmonieuse et continue les
différentes parties musicales et chorégraphiques. La narration de l’œuvre de
Kazantzakis constituait le lien entre les scènes successives en donnant au
spectacle une respiration. À travers une danse théâtrale très symbolique, les
danseurs ont réussi à représenter un large éventail d’expressions humaines dans
un décor simple qui contribuait à la transmission des messages du spectacle. La
musique portée principalement par le piano et par moments le violon devenait un
support idéal de l’action sur scène. L’usage alternatif du français et du grec
lors de la récitation des extraits de l’Ascèse
intensifiait le pluralisme du point de vue narratif. Les mouvements des
danseurs, oscillant avec un équilibre absolu entre l’éthéré et l’intense, le
classique et le moderne et en fin de compte entre le collectif et l’individuel,
donnaient une autre perspective : celle d’un groupe d’artistes qui tantôt
fonctionne collectivement et tantôt laisse ses membres s’exprimer
individuellement. Parfois, les artistes se mélangeaient harmonieusement comme
un ensemble organisé qui ensuite se disloquait et libérait une unité qui
dansait, chantait ou récitait. Les danseurs et les musiciens, par leur
coordination, contrebalançaient les monologues de l’Ascèse, donnant une perspective complémentaire au contexte
théorique de « All Is One ».
En conclusion, nous
aimerions féliciter Taxiarchis Vassilakos et sa troupe pour leur louable
effort. Ils ont réussi à construire un spectacle qui peut être interprété à
plusieurs niveaux. Et même si les interrogations philosophiques qui en
résultent sont nombreuses, cela n’empêche pas de se réjouir en admirant la
danse qui tout en étant un moyen d’expression multiple et complexe préserve
dans sa simplicité un pouvoir authentique.
Anikitos
GAROFALAKIS
Traduit
du grec par Alkistis KOKKINI
Source: http://www.noizy.gr/index.php?option=com_content&view=article&id=2806:all-is-one&catid=98:articles-front-page&Itemid=640
Στα ελληνικά το άρθρο είναι δημοσιευμένο στη διεύθυνση http://www.noizy.gr/index.php?option=com_content&view=article&id=2806:all-is-one&catid=98:articles-front-page&Itemid=640
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